La plupart des photographies qui m’inspirent et que je produis sont prises « sur le vif »: leur forme de vérité, dépend d’une capacité à passer inaperçu et à offrir un point de vue sur ce qui se passe sans modifer le cours des choses.
Est-ce un attachement au caractère sacré de la vie, la notion de « naturel », entendu comme « non mis en scène », est présente en filigrane dans une bonne part de mon travail.
Pour que la magie opère, il faut pour moi qu’elle vienne de la vie elle-même, sans quoi elle n’est qu’un truc, aussi sophistiqué soit-il.
Avec ce projet , je suis parti dans une direction presque opposée : pour cette galerie de portraits, la prise de vue s’est faite dans l’environnement artifciel d’un studio et les modèles me regardaient droit dans l’objectif.
C’est donc une toute autre forme de vérité que j’ai cherché à atteindre : non pas épingler des gens par surprise mais saisir des modèles « en pleine conscience ».
Une intuition supplémentaire a donné la couleur particulière de la série : que la nudité pourrait amener ces modèles à une autre qualité de présence, sans pouvoir déterminer quelle en serait la nature précise.
De même j’avais le pressentiment que je ne les photographierais pas de la même façon, et que les spectateurs de la galerie, les sachant nus, ne les regarderaient pas de la même façon.
Je n’ai pas fait de « casting », j’ai lancé un appel via les réseaux sociaux et tous les gens qui se sont déclarés intéressés ont participé. Cet « échantillon » n’a pas l’ambition d’être représentatif.
Les prises de vue ont eu lieu au studio PhotoGalery dans la galerie de la Reine. J’installais le modèle dos à un mur blanc, face à une grande fenêtre qui donne sur la Galerie, avec pourseule consigne de regarder droit dans l’objectif.
J’ai travaillé en lumière naturelle: c’est le soleil capricieux qui filtrait dans la galerie qui a amené la lumière douce, diffuse et toujours changeante que ces portraits me semblaient réclamer.
Plusieurs participants ont parlé de cette prise de vue comme d’une « expérience », certains allant même jusqu’à dire qu’ils n’étaient pas si pressés de voir le résultat tant l’expérience leur semblait prendre le dessus.
C’est peut-être vrai pour moi aussi. Mais je suis content qu’il reste une trace de ces rencontres et de pouvoir les partager.